A la rue Camille-Martin, un nouveau chantier a débuté à mi-octobre 2023 : c’est la SCHG (Société coopérative d’habitation Genève) qui rénove les dalles des parkings souterrains de ses immeubles au chemin des Sports et à la rue Camille-Martin. Elle va en profiter pour réaménager les espaces extérieurs autour de ces deux immeubles.
Ces travaux de renforcement des parkings étaient devenus nécessaires, tout comme la réfection des conduites de ces immeubles qui datent des années 1970. La SCHG en a profité pour mener avec le bureau d’architectes Lacroix Chessex une réflexion sur les espaces extérieurs de ces deux barres d’immeubles, y compris le triangle où se trouve la Coop. Les sociétaires de la SCHG, habitant les immeubles de la coopérative, ont été associés à cette réflexion.
L’aménagement actuel de ces espaces extérieurs est typique des années 70, avec des places de stationnement au centre et des parcelles de végétation, d’herbe et d’arbres, entre les véhicules. De nos jours, on essaye plutôt de créer des espaces extérieurs de qualité, qui offrent des lieux de rencontre et de loisirs où jeunes et moins jeunes peuvent se retrouver, se délasser, jouer – et trouver de l’ombre et de la fraîcheur quand il fait trop chaud en été ! L’idée est ainsi de réserver à la végétation tous les endroits de « pleine terre » où les arbres trouvent plus de place pour leurs racines (donc sans infrastructures, béton ou grosses canalisations en dessous) et de regrouper les voitures en périphérie du site, là où le terrain est moins favorable pour les plantations.
Repenser les espaces, adapter les aménagements
Les voitures pourront se parquer dans des abris ronds (5 abris le long de chacun des deux immeubles). Actuellement les places de stationnement public existantes sont plus nombreuses que les besoins de la Coop. Toutes les places de stationnement privées des sociétaires seront conservées et le nombre de places de stationnement public sera ajusté aux besoins de la Coop ; l’emplacement Mobility sera conservé. Sur le même modèle mais en plus petit, il y aura également des abris pour deux-roues, qui manquent actuellement. L’accès à ces stationnements en surface se fera depuis la rue Camille-Martin, entre les entrées des deux parkings souterrains, et non plus directement depuis l’avenue d’Aïre. L’écopoint sera déplacé dans cette même zone et réservé aux habitant·e·s des immeubles (actuellement il est utilisé comme un écopoint de quartier, ce qu’il n’est pas).
Dans le triangle à côté de la Coop, le parking en surface va laisser la place à un parc, avec des parterres de prairie diversifiée et des bancs qui suivront les contours de ces parterres. Les arbres existants seront conservés et d’autres seront plantés. Un bassin avec des jeux d’eau donnera une centralité à ce parc. Sont aussi prévus des jeux pour enfants, un équipement d’entraînement urbain (« street workout ») ainsi qu’une table de ping-pong. L’idée de la SCHG est de récupérer le plus possible des équipements qui existent déjà sur place. Il y aura aussi des petits pavillons de rencontre circulaires, semblables aux abris pour les deux-roues.
A l’arrière de l’immeuble Camille-Martin, à la place de l’actuel terrain de basket, un terrain multisports sera installé et remplacera à terme le terrain de foot de Jean-Treina, car celui-ci est appelé à laisser la place à d’autres projets d’aménagement de la SCHG. Un terrain de beach-volley est aussi prévu à l’extrémité de l’immeuble Sports, côté rue Camille-Martin. Le long de la rue Camille-Martin, un jardin potager partagé devrait voir le jour.
Enfin, la SCHG a souhaité intégrer la dimension de la gestion de l’eau sur place. Toute l’eau de pluie qui tombe sur le site y restera, soit qu’elle s’infiltre dans la terre, soit qu’elle est récupérée et amenée par des conduites jusqu’à des réservoirs installés dans le local technique qui contenait les cuves à mazout avant que ces immeubles ne soient raccordés, en 2009, au réseau de chauffage à distance du quartier (CAD). Cette eau de pluie récupérée servira à arroser les végétaux du parc. Investir dans une telle installation permettra aussi à la SCHG d’éviter que les eaux de pluie ne surchargent le réseau d’évacuation des eaux claires.
Récolter les avis et inquiétudes des habitant·e·s
Concevoir le réaménagement de ces espaces extérieurs a pris un certain temps, car la SCHG et les architectes souhaitaient impliquer dans la réflexion les habitant·e·s des deux barres d’immeubles, ainsi que les associations du quartier. En effet, même si ces espaces extérieurs appartiennent à la SCHG, ils sont en fait vécus comme des espaces publics par les habitant·e·s de la Concorde et des quartiers environnants. Il fallait donc essayer de tenir compte autant que possible des besoins des uns et des autres, mais aussi s’assurer, par exemple, que les nouveaux espaces créés ne gênent pas la tranquillité des voisin·e·s. La SCHG a mandaté l’association Interstices pour accompagner la consultation de ses sociétaires.
Les architectes du bureau Lacroix Chessex ont d’abord travaillé à une première proposition d’aménagements. Cette proposition a été présentée par la SCHG à ses habitant·e·s sociétaires début mai 2022. Puis, en juin 2022, l’association Interstices a récolté les avis des habitant·e·s et des passant·e·s sur place, entre la Coop et les deux immeubles : présents à plusieurs moments avec des plans des futurs aménagements, des crayons et du papier calque, ils donnaient la possibilité aux gens du quartier de réagir au projet des architectes ou de faire leurs propres propositions.
Ces commentaires, réactions et propositions ont ensuite été rassemblés dans un document de diagnostic, qui a été présenté et encore alimenté par les remarques des participant·e·s lors d’une deuxième soirée organisée par la SCHG pour ses sociétaires fin juin 2022. En présentant son diagnostic, Interstices a souligné que les réaménagements prévus étaient globalement bien accueillis par les habitant·e·s du quartier. Les sociétaires habitant les immeubles Camille-Martin et Sports ont apporté une lecture fine du projet sur ce qui leur semblait adéquat et possible ou non.
Les espaces autour de la Coop sont aussi un lieu du quartier où des jeunes aiment se rassembler, ce qui peut causer des tensions avec le voisinage. Il semblait donc pertinent de demander son avis à la jeune génération, directement mais aussi par l’intermédiaire des travailleurs sociaux qui les accompagnent. En collaboration avec la Maison de quartier Concorde, Interstices a aussi pu discuter avec les jeunes présents aux activités de la MQ, garçons et filles, sur ce qui les attirerait ou non une fois ces espaces réaménagés. Avec les professionnels qui accompagnent les jeunes (correspondants de nuit, travailleurs sociaux hors-murs, équipe d’animation de la MQ), la réflexion menée a été la suivante : si on prévoit des changements dans les espaces extérieurs il y aura forcément un impact sur les jeunes, qui sont friands d’abris dehors. Alors, comment créer et sécuriser des abris accueillants pour tous les usagers, afin que la zone soit agréable, tout en gardant du calme et en évitant les dérangements pour les voisin·e·s des immeubles au-dessus ?
Prenant en compte ces commentaires, les architectes ont retravaillé le projet durant l’été 2022. Puis en septembre la SCHG a présenté à ses sociétaires la nouvelle version des réaménagements prévus ainsi que les réponses proposées aux questions et inquiétudes soulevées par les habitant·e·s. Ensuite, le projet est passé à l’étape de demande d’autorisation de construire auprès des autorités.
Ajuster le projet aux besoins exprimés
Les remarques et commentaires des habitant·e·s sociétaires de la SCHG ont montré un souci particulier pour le vivre ensemble – la sécurité, le bruit et la tranquillité, la propreté des lieux et le respect de ces futurs nouveaux aménagements extérieurs de la SCHG. Les sociétaires ont attiré l’attention sur la sécurité des enfants aux abords de l’avenue d’Aïre, en suggérant par exemple d’éloigner les jeux pour enfants de la route. Le bassin d’eau a aussi fait l’objet de commentaires : une pataugeoire aurait été plus difficile à entretenir, par exemple avec le risque de débris de verre, et une installation avec des jeux d’eau semblait plus pratique et sûre.
Pour les équipements de sport, les discussions avec les associations du quartier ont souligné l’importance de conserver un terrain de sport qui puisse remplacer celui de Jean-Treina, auquel les jeunes sont attachés. Mais aussi la nécessité que ces équipements de sport puissent servir à une diversité d’habitant·e·s : « street workout » (équipement d’entraînement urbain), terrain multisport, mais aussi terrain de beach-volley, qui pourrait plus intéresser les jeunes filles.
Avec ces équipements vient aussi la question de la protection contre le bruit pour le voisinage et les immeubles alentours. Cette même question s’est posée pour les petites rotondes prévues dans le parc : il fallait les concevoir pour qu’elles soient attrayantes et agréables en journée, mais aussi ouvertes sur l’extérieur pour éviter des activités illégales, tout en limitant un usage de nuit avec des risques de nuisances sonores.
Plusieurs étapes de chantier
Le chantier qui a débuté en octobre 2023 va se dérouler en plusieurs étapes. Les deux premières étapes sont la rénovation des parkings souterrains des deux immeubles, d’abord celui de la rue Camille-Martin, puis celui du chemin des Sports. Avant chaque étape, il faut bien sûr faire de la place au pied des immeubles eux-mêmes pour stationner en surface, le temps des travaux, les véhicules qui occupent ces parkings souterrains. Ces deux étapes devraient durer jusqu’à la fin de l’été 2024.
Une fois les parkings souterrains terminés, la troisième étape sera la création du parc dans le triangle où se trouve actuellement le parking en surface à côté de la Coop. Cette étape est prévue de septembre 2024 à mars 2025. La dernière étape de ces réaménagements extérieurs, prévue d’avril à juin 2025, se fera le long de la rue Camille-Martin : équipements de sport et jardins partagés.
Le tout devrait donc être terminé pour l’été 2025, soit un an et demi de chantier selon les prévisions actuelles – et à la fin un nouveau parc et des équipements extérieurs qui bénéficieront aussi au quartier.
Aménager, entretenir et respecter
Dans le quartier de la Concorde, les espaces extérieurs privés vécus comme des espaces publics sont importants car ils apportent une contribution bienvenue à l’agrément du quartier, où il n’y a pas beaucoup de place sur le domaine public pour des parcs, des places ou des équipements extérieurs. C’est par exemple aussi le cas du parc Voltelène à l’avenue Henri-Golay, appartenant à la Fondation HBM Émile Dupont et ouvert au public. Mais ces efforts de propriétaires privés pour le bien commun doivent aussi relever des défis particuliers : quels équipements sont ouverts au public ou plutôt réservés aux locataires des immeubles ? Comment les propriétaires privés des immeubles gèrent-ils la sécurité et la propreté de ces lieux ? Comment assurer la tranquillité du voisinage, surtout la nuit ? Et qu’en est-il de l’entretien des équipements et des risques de déprédations ?
Pour ce projet, la SCHG et les architectes ont estimé que plus on ferme les espaces et plus il y aura de déprédations. Et d’autre part, plus les habitant·e·s auront pu s’impliquer pour imaginer ces espaces extérieurs et mieux ces derniers seront respectés, une fois réalisés. D’où cette consultation dans la durée, avec plusieurs occasions pour que les gens puissent recevoir des informations, exposer leurs idées, exprimer leurs craintes et faire part de leurs inquiétudes – et pour que des réponses à ces inquiétudes puissent être proposées. Bien sûr, des espaces extérieurs de qualité et bien pensés, ça ne fait pas tout : le respect d’autrui et le vivre ensemble seront tout aussi importants.